Le texte fondateur: La Charte
Découvrez la charte de la Caracole, LST et TROC, un texte fondateur écrit en 1982 qui s'articule autour des valeurs que nous partageons.
Un constat de société
Nous découvrons qu'au sein de notre société belge, un nombre de plus en plus grandissant de personnes se trouvent exclues des droits les plus élémentaires, de toute reconnaissance humaine, de par leur position dans le circuit de production et de par leur position sociale. Nous constatons, par exemple, que même dans les emplois existants, le travailleur n'est pas considéré comme une personne, mais comme un simple outil de production. Une fois usé, devenu inutile, l'outil est jeté (exclusion du travail des moins qualifiés, des moins expérimentés, des moins forts). Notre volonté est de rejoindre en priorité les groupes sociaux ou personnes considérées économiquement et socialement comme inutiles.
Nous constatons également que notre société est basée sur une surconsommation. Aussi ceux qui ne peuvent pas suivre le rythme, parce qu'ils sont au bas de l'échelle, vivent-ils les conséquences de l’injustice : la misère et pour certains, la mort. La surconsommation entraîne l'enrichissement des plus riches, l'appauvrissement et la dépendance des plus pauvres.
Nous constatons également que les organismes mis en place pour lutter contre la pauvreté, loin de la supprimer, la maintiennent et la produisent, en réduisant les personnes au titre d'assistés, en ne les considérant pas comme responsables, en ne donnant pas les moyens d'une autonomie, en individualisant les cas, en ne considérant pas les personnes comme des sujets de droit et de devoirs, en mettant des obstacles administratifs, en réduisant les personnes à leur passé.
Ce constat s'est fait dans une histoire concrète, qui nous appelle à aller plus loin
Cette découverte de l'injustice criante de notre société s'est faite et se fait au cœur d'une lutte de libération concrète avec des hommes, des femmes et des familles de Namur. Il s'agit des réunions "Caves", où chacun, avec d'autres, découvre et partage ce qu'il vit, ses espoirs, sa responsabilité dans la lutte pour une société juste. Il s'agit d'un surgissement concret d'une autre manière de vivre le travail, le partage. Il s'agit de l'accueil de tout qui se trouve être le plus faible.
À travers cet agir s'est approfondie notre volonté de transformer cette société et de vivre autrement, afin de découvrir les vraies richesses de l'homme. Pour plusieurs d'entre nous, cet approfondissement de notre volonté de vivre autrement ne va pas non plus sans cette découverte essentielle de la personne d'un Dieu qui appelle l'homme à se libérer de sa peur et de son égoïsme, pour s'enraciner dans un agir créateur de justice et de liberté.
Le changement : grandes orientations
À l'encontre des valeurs de consommation, de profit, nous cherchons un renversement des priorités. A l'encontre d'une situation où l'homme cherche à profiter d'un système social, où le système social cherche à profiter de l'homme, nous choisissons de parier sur la responsabilité de l'homme.
Pour qu'advienne ce renversement, nous faisons le choix d'une transformation radicale de notre manière de travailler, de vivre, de savoir, de lutter.
Ensemble, il faut se donner les moyens d'assurer notre travail, qui nous permettra de subsister et de devenir hommes et femmes créateurs et responsables dans la société. Ce travail, nous le voulons en tant que lieu de partage du savoir. Ce travail, nous ne voulons pas que ce soit un travail de spécialiste ou de fonctionnaire. Ce travail, c'est toutes les forces d'action que nous pouvons mettre en œuvre pour maîtriser notre vie, notre quotidien. Ce travail est guidé par une double volonté. Il est destiné en priorité à tout qui veut rejoindre les plus faibles dans une solidarité concrète. Il est animé par la volonté de créer ensemble les fondements d'une société nouvelle. Ce travail ne peut à aucun prix maintenir dans l'assistance et être seulement considéré comme un outil, une béquille, un simple lieu occupationnel. Il est un lieu de partage concret des tâches, des connaissances, des revenus, des décisions, conduisant ainsi à la formation d'hommes et de femmes responsables.
Nous voulons vivre une solidarité avec les plus pauvres, solidarité qui soit la plus vraie possible, dans une lutte concrète aux côtés de l'homme opprimé et dans une manière de vivre plus transparente. Or, une des manières de vivre cette solidarité, cette transparence, n'est-ce pas de faire le choix de vivre avec ce qui est légalement reconnu comme le minimum vital ? Vivre avec ce qui est nécessaire, n'est-ce pas aussi une manière de lutter contre une société qui base tout sur le pouvoir de l'argent et de son accumulation au détriment de l’homme ? De plus, une gestion responsable et autogérée des surplus des revenus dans le cadre des projets est une des voies possibles pour rompre le cercle assistant-assisté, pour mener à bien des réalisations qui permettent une vraie prise de responsabilité de chacun dans les décisions.
Face à l'individualisme qui renforce l'isolement des plus pauvres, nous désirons faire naître des communautés où l'accueil du plus faible est premier. Mais, il ne s'agit pas de communautés où chacun tire son épingle du jeu, où finalement on gère la misère. Ces communautés se veulent être sur un chemin respectueux du rythme de chacun quant au partage, à la lutte, à la formation... Ces communautés ne sont pas non plus un but en soi, mais les lieux où se cherchent les moyens de créer une société basée sur le respect de tout homme dans la justice, la paix et la fraternité. La volonté de ces communautés sera de lutter en dialogue avec les familles de Namur et d'ailleurs, avec d’autres groupes et communautés, pour le respect du plus pauvre.
La misère, le non-sens de la vie, les échecs, la solitude sont souvent cachés par des semblants de bonheur : alcool, tabac, consommation effrénée, drogues, médicaments, activisme... qui loin de supprimer la misère, la renforcent.
Notre projet sera-t-il insensible à ce mensonge ?
Nous voulons retrouver à travers le travail, la vie de communauté, l'accueil, le jardin, une vie plus simple, lucide vis-à-vis de ses faiblesses et des chances, plus proche de la nature, et ce avec toutes les exigences que cela comporte.
Aucun de ces points n’est statique ou isolé des autres. Ils se veulent être une continuelle formation de chacun à la construction collective d'une société différente